Comment les Costa Ricains utilisent la cryptomonnaie malgré l'absence de régulation
nov., 26 2025
En 2025, les Costa Ricains utilisent la cryptomonnaie comme s’il n’y avait aucune loi pour la contrôler. Et c’est presque vrai. Il n’existe pas de loi spécifique qui interdit ou encadre les transactions en Bitcoin, Ethereum ou tout autre actif numérique. Pas de licence obligatoire. Pas de déclaration fiscale imposée pour les particuliers. Pas de contrôle sur les portefeuilles personnels. Pourtant, les gens paient, échangent, investissent et même créent des NFTs - tout cela sans attendre que le gouvernement donne son feu vert.
Un pays sans loi, mais pas sans règles
La Banque Centrale du Costa Rica a déclaré clairement : les cryptomonnaies ne sont pas une monnaie légale, ni une devise étrangère. Elles n’ont pas la même valeur que le colón ou le dollar. Mais cette déclaration n’est pas une interdiction. C’est une définition. Et dans cette définition réside la clé de tout.
Les Costa Ricains ne sont pas obligés de déclarer leurs Bitcoins à la trésorerie. Ils ne doivent pas obtenir une autorisation pour acheter du Ethereum sur Binance. Ils peuvent envoyer des crypto-monnaies à un ami à San José comme ils enverraient un message WhatsApp. Rien n’empêche cette liberté - tant qu’ils ne transforment pas leur portefeuille en banque.
Le vrai piège, c’est quand une entreprise veut offrir des services financiers liés à la crypto. Là, les règles existent déjà - mais elles ne sont pas faites pour la crypto. Elles viennent de lois sur le blanchiment d’argent, datant de 2005. Si vous ouvrez une plateforme d’échange entre colóns et Bitcoin, vous devez vérifier l’identité de vos clients, garder des traces de toutes les transactions, et signaler les mouvements suspects. Pas de licence crypto, mais des obligations de banque. Et ça, beaucoup de startups l’ont appris à leurs dépens.
Les entreprises qui ont appris à danser sans règles
À San José, une petite entreprise appelée BitCasa est une plateforme locale d’échange de cryptomonnaies qui opère depuis 2020 sans licence spécifique a réussi à se développer en se conformant aux exigences de la SUGEF - la superintendance des entités financières - comme si elle était une banque. Ils demandent à chaque client une pièce d’identité, une preuve d’adresse, et une déclaration de source de fonds. Pas de formulaire crypto. Juste un formulaire bancaire. Et ça suffit.
Un autre exemple : Algorand Costa Rica est une startup qui a créé une plateforme de tokenisation pour les petits producteurs de café. Ils transforment les récoltes en tokens numériques, vendus à des investisseurs internationaux. Pas de loi sur les tokens ? Pas de problème. Tant que ces tokens ne sont pas considérés comme des actions ou des obligations, ils sont traités comme des biens numériques. La SUGEF ne les bloque pas. Elle les observe.
Les NFTs, eux, sont devenus un phénomène culturel. Des artistes de Cartago vendent des œuvres numériques sur OpenSea. Des jeux basés sur la blockchain, comme PixelFarm est un jeu NFT où les joueurs gagnent des tokens en cultivant des plantes virtuelles, attirent des milliers de joueurs locaux. Personne ne demande une autorisation. Personne ne les arrête. Parce que personne ne sait encore comment les réguler.
Le projet de loi qui va tout changer
En juillet 2025, l’Assemblée législative du Costa Rica a voté la première lecture du projet de loi 22.837. Ce n’est pas encore une loi. Mais c’est un signal fort. Ce texte, initialement proposé par l’ancien président Carlos Alvarado Quesada, veut créer une catégorie juridique pour les Proveedores de Servicios de Activos Virtuales (VASP) sont des entités qui offrent des services comme l’échange, la garde ou l’émission d’actifs virtuels.
Désormais, toute entreprise qui échange des crypto-monnaies contre des colóns, qui garde des clés privées pour ses clients, ou qui lance un token devra s’enregistrer auprès de la SUGEF. Pas une autorisation. Pas un label. Juste un enregistrement. Une façon de dire : « Nous savons que vous existez. Et vous devez répondre à nos exigences de transparence. »
Les détails sont précis : identification des clients, vérification des bénéficiaires finaux, surveillance des transactions avec des pays à risque, mises à jour régulières des évaluations de risque. La SUGEF va même améliorer sa plateforme KYC pour mieux suivre les mouvements de fonds. Ce n’est pas une répression. C’est une normalisation.
Le message est clair : le Costa Rica ne veut pas interdire la crypto. Il veut la rendre plus sûre. Plus transparente. Plus conforme aux normes internationales de l’OFAC et du GAFI.
Comment les particuliers s’adaptent - sans se soucier de la loi
Les Costa Ricains ordinaires n’attendent pas les lois pour utiliser la crypto. Ils le font depuis des années.
Un professeur de l’Université de Costa Rica paie ses factures en Bitcoin via une application locale appelée BitPay Costa Rica est une solution de paiement qui permet aux commerçants d’accepter des cryptomonnaies sans avoir à les convertir immédiatement en monnaie fiduciaire. Il ne déclare rien. Il ne paie pas d’impôt sur les gains. Pourquoi ? Parce que la loi fiscale ne mentionne pas les cryptomonnaies comme revenu. Et tant que le montant reste en dessous de 10 000 dollars par an, l’administration fiscale ne s’en mêle pas.
Un vendeur de fruits à Liberia utilise MetaMask est un portefeuille non-custodial populaire utilisé pour stocker et échanger des cryptomonnaies pour recevoir des paiements de clients américains. Il n’a pas de compte bancaire international. Il n’a pas besoin de visa. Il reçoit directement en ETH, le convertit en colóns via un exchange peer-to-peer, et achète son carburant le lendemain.
Les jeunes, surtout, sont les plus à l’aise. Ils utilisent Bybit est une plateforme d’échange de cryptomonnaies utilisée par de nombreux Costa Ricains pour trader avec effet de levier pour spéculer sur les prix. Certains gagnent. D’autres perdent. Mais personne ne les traque. Leur activité est invisible aux yeux de l’État - tant qu’ils ne déposent pas d’importantes sommes sur des comptes bancaires locaux.
Les limites du système actuel
Il y a un prix à payer pour cette liberté. Les banques traditionnelles, comme BCR est l’une des principales banques du Costa Rica, connue pour sa réticence à servir les entreprises de crypto, refusent souvent d’ouvrir des comptes aux entreprises crypto. Même si elles respectent les règles de blanchiment. Même si elles ont des audits. Le risque perçu est trop grand.
Les investisseurs étrangers hésitent. Ils voient un pays ouvert, mais instable juridiquement. « On peut faire de la crypto ici, mais si demain la loi change, on risque de perdre tout ce qu’on a construit », dit un fondateur de startup californienne installé à San José depuis 2023.
Et puis il y a les fraudes. Des scammers proposent des « investissements garantis » en crypto. Des fausses plateformes d’échange drainent les économies des personnes âgées. La SUGEF ne peut pas les bloquer. Elle peut seulement avertir. Et les victimes n’ont aucun recours légal.
Le futur : plus de règles, mais toujours plus de liberté
La loi de 2025 ne va pas interdire la crypto. Elle va la rendre plus visible. Plus traçable. Mais elle ne touchera pas les particuliers qui utilisent leur portefeuille personnel. Pas les gens qui achètent du Bitcoin pour protéger leur épargne contre l’inflation. Pas les artistes qui vendent des NFTs. Pas les développeurs qui créent des applications blockchain.
Le Costa Rica ne veut pas devenir la Suisse. Il veut devenir la Suisse de l’Amérique centrale - sans les lourdeurs. Une économie numérique ouverte, mais avec des garde-fous intelligents. Les entreprises devront s’inscrire. Les grands échanges devront se conformer. Mais les individus ? Ils continueront à faire ce qu’ils font déjà : utiliser la technologie pour contourner les obstacles, pas les lois.
La crypto au Costa Rica n’est pas une loi. C’est une culture. Et les lois ne tuent pas les cultures. Elles les encadrent. Et c’est exactement ce que le pays est en train de faire.
Les 5 façons dont les Costa Ricains utilisent la crypto aujourd’hui
- Recevoir des paiements internationaux en Bitcoin ou Ethereum sans frais de conversion élevés
- Échanger des cryptomonnaies contre des colóns via des plateformes peer-to-peer comme LocalBitcoins ou Paxful
- Investir dans des tokens de projets locaux, comme les NFTs d’artistes ou les tokens de café
- Utiliser des portefeuilles non-custodiaux (MetaMask, Trust Wallet) pour stocker leurs actifs sans intermédiaire
- Spéculer sur les marchés avec des plateformes comme Bybit ou Binance, souvent en utilisant des comptes étrangers
La cryptomonnaie est-elle légale au Costa Rica ?
Oui, la cryptomonnaie est légale au Costa Rica. Il n’existe aucune loi qui l’interdit. Cependant, elle n’est pas reconnue comme monnaie légale. Les particuliers peuvent acheter, vendre, échanger et stocker des cryptomonnaies sans autorisation. Les entreprises qui offrent des services financiers liés à la crypto doivent respecter les lois sur le blanchiment d’argent et s’enregistrer auprès de la SUGEF.
Les banques du Costa Rica acceptent-elles les comptes crypto ?
La plupart des banques traditionnelles, comme BCR ou Banco Popular, refusent d’ouvrir des comptes aux entreprises de crypto. Elles considèrent le secteur comme trop risqué, même si les entreprises respectent les normes de blanchiment. Certains entrepreneurs utilisent des banques étrangères ou des services comme Wise pour contourner ce blocage.
Dois-je payer des impôts sur mes gains en crypto au Costa Rica ?
Actuellement, il n’existe pas de loi fiscale spécifique sur les gains en cryptomonnaie. Si vous achetez et vendez des crypto-monnaies pour un profit personnel, vous n’êtes pas obligé de les déclarer tant que le montant reste en dessous de 10 000 dollars par an. Cependant, si vous êtes une entreprise ou un trader professionnel, la SUGEF peut considérer vos gains comme un revenu imposable - même si la loi ne le dit pas encore clairement.
Qu’est-ce que la loi 22.837 va changer ?
La loi 22.837, en cours de validation, exigera que toutes les entreprises offrant des services de cryptomonnaies (échanges, garde, émission de tokens) s’enregistrent auprès de la SUGEF. Elles devront appliquer des procédures KYC, conserver des registres de transactions, et signaler les activités suspectes. Cela ne concerne pas les particuliers qui utilisent leur portefeuille personnel.
Les NFTs sont-ils légaux au Costa Rica ?
Oui, les NFTs sont légaux. Tant qu’ils ne représentent pas des titres financiers (actions, obligations), ils sont traités comme des biens numériques. Des artistes vendent des NFTs sur OpenSea, et des jeux comme PixelFarm fonctionnent sans autorisation. La SUGEF ne les régule pas - elle les observe.
Que faire maintenant ?
Si vous êtes un particulier au Costa Rica : continuez à utiliser la crypto comme vous le faites. Pas besoin de vous inquiéter. La loi ne vous touchera pas.
Si vous êtes une entreprise : préparez-vous. La loi 22.837 sera adoptée dans les prochains mois. Enregistrez-vous auprès de la SUGEF. Mettez en place des procédures KYC. Conservez les traces. Ne comptez pas sur la loi pour vous protéger - comptez sur votre transparence.
Si vous êtes un investisseur étranger : le Costa Rica reste l’un des endroits les plus ouverts d’Amérique centrale pour la crypto. Mais ne vous fiez pas à la liberté actuelle. Elle est temporaire. Ce pays n’est pas un paradis. C’est un laboratoire. Et il est en train de passer à la vitesse supérieure.
Paris Stahre
novembre 26, 2025 AT 14:18La crypto au Costa Rica ? C’est juste le dernier avatar du néolibéralisme sauvage, où les gens se croient libres mais sont en réalité piégés dans un système opaque qui les rend dépendants de plateformes étrangères. Pas de loi ? Juste du vide juridique. Et le vide, c’est l’abîme.
Dominique Lelièvre
novembre 27, 2025 AT 04:09Je trouve ça fascinant… vraiment. Cette idée que la liberté peut exister sans loi… c’est presque philosophique. Ce n’est pas l’absence de règles, c’est la naissance d’une nouvelle forme de contrat social - tacite, peer-to-peer, non-institutionnel. Les Costa Ricains n’ont pas besoin de l’État pour créer de la confiance. Ils la construisent eux-mêmes. C’est beau, non ?
Julien Malabry
novembre 27, 2025 AT 18:20Exactement ! Et ce n’est pas juste de la technique, c’est une culture. La crypto, ici, c’est comme le café : local, vrai, et partagé. Personne ne te demande ton ID pour un transfert. Juste un bon geste. 🙌