Interdiction bancaire en Colombie : tout savoir sur les transactions crypto

En juillet 2022, la Superintendencia Financiera de Colombia (SFC) a publié une circulaire qui interdit aux banques supervisées de détenir, d’investir ou de faciliter toute transaction impliquant des crypto‑actifs. Cette interdiction bancaire crypto crée un cadre où les crypto‑actifs évoluent dans une zone grise: ils ne sont ni totalement interdits, ni pleinement régulés. Le résultat ? Les institutions financières traditionnelles sont bloquées, tandis que des acteurs comme Bancolombia trouvent des moyens de contourner la règle pour lancer leurs propres services numériques.
Pourquoi la Colombie a choisi cette approche?
Le SFC a justifié sa position en invoquant les risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et la protection de la souveraineté monétaire du Banque centrale. Le Ministre des Finances, Ricardo Bonilla, a déclaré en juin 2023 que les crypto‑actifs «sont une réalité» mais qu’ils doivent être encadrés pour garantir l’autonomie de la Banque centrale et éviter toute forme d’émission parallèle.
Comment la règle s’applique concrètement aux banques
Les banques sous supervision de la SFC doivent :
- Interdire toute garde (custody) de crypto‑actifs.
- Ne plus proposer de produits d’investissement liés aux monnaies numériques.
- Empêcher leurs plateformes de traitement de paiements de servir de passerelle pour des transactions crypto.
- Mettre en place des politiques internes de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) spécifiques aux crypto‑actifs.
Ces exigences sont accompagnées d’une surveillance renforcée: chaque transaction supérieure à 150USD doit être signalée à l'Unidad de Información y Análisis Financiero (UIAF) avec capture complète du nom et des coordonnées de l’expéditeur et du destinataire.
Impact sur les fournisseurs de services de paiement (PSP) et les VASP
Les PSP qui opèrent en Colombie doivent installer des solutions RegTech capables d’identifier en temps réel les mouvements de crypto‑actifs dépassant le seuil de 150USD. Le non‑respect de ces obligations a entraîné, en 2024, plus de 1,5millionUSD d’amendes pour plusieurs acteurs locaux.
Les Virtual Asset Service Providers (VASPs) sont également soumis aux exigences de la Superintendencia de Sociedades, qui impose des systèmes AML complets au même titre que pour les banques.
Cas d’école: Bancolombia, Wenia et le stablecoin COPW
Malgré les restrictions, Bancolombia a lancé l’échange crypto Wenia en 2023, ainsi que le stablecoin COPW. Ces services fonctionnent grâce à des structures séparées qui ne sont pas directement supervisées par la SFC, mais qui respectent les exigences de reporting à l’UIAF et les contrôles AML du Superintendencia de Sociedades. Ce modèle montre qu’une institution traditionnelle peut créer un «ombre bancaire» pour servir la demande crypto tout en restant conforme à la réglementation.

Comparaison régionale: où se situe la Colombie?
Pays | Banque: autorisation de transactions crypto | Stabilité légale (0=interdit, 1=gris, 2=autorisé) | Initiatives majeures 2024‑2025 |
---|---|---|---|
Colombie | Interdiction stricte (SFC) | 1 | Wenia exchange, COPW stablecoin |
Brésil | Autorisation avec licence bancaire et déclaration fiscale | 2 | Loi fiscale crypto 2024, implémentation 2025 |
Argentine | Autorisé pour paiements internationaux | 2 | Reconnaissance du Bitcoin comme moyen de paiement 2025 |
Chili | Pas de restriction bancaire, trois custodians agréés | 2 | Approbation de custodians 2025 |
Mexique | Fintech Law inclut gestion de crypto‑actifs | 2 | Extension du cadre fintech 2024 |
Cette grille montre que la Colombie adopte une position intermédiaire: elle n’interdit pas le trading ou les stablecoins, mais bloque toute implication directe des banques, ce qui contraste avec l’ouverture de ses voisins.
Enjeux pour les acteurs locaux: défis et opportunités
Les banques doivent investir dans la formation du personnel et dans des systèmes de détection de transactions suspectes. Les coûts de conformité sont souvent prohibitifs pour les petites structures, ce qui crée un marché de niche pour les fintech spécialisées capables de gérer le reporting UIAF et les exigences AML.
Les fintech qui réussissent (ex.: Wenia) tirent parti d’une architecture séparée et d’un partenariat avec des VASP agréés. Elles offrent:
- Des portefeuilles non‑custodiaux qui ne tombent pas sous la juridiction bancaire.
- Des processus KYC automatisés grâce à des solutions RegTech.
- Une passerelle de paiement qui convertit le crypto‑actif en pesos colombiens via le stablecoin COPW, évitant ainsi l’usage direct des banques.
En parallèle, l’Fonds monétaire international (FMI) a indiqué que la Colombie doit développer des politiques plus claires pour protéger les consommateurs tout en favorisant l’innovation.
Vers une évolution réglementaire?
Le cadre actuel reste en suspens: le sandbox de la SFC a expiré en décembre2023, mais aucune loi globale sur les crypto‑actifs n’a encore été adoptée. Les déclarations de Ricardo Bonilla laissent entendre qu’une future législation pourrait préciser les obligations des banques, éventuellement en ouvrant une porte aux services de garde sous conditions strictes.
Les analystes de Lightspark prévoient que, d’ici 2027, la Colombie pourrait passer d’une interdiction bancaire à un modèle de «licence de services crypto» similaire au Brésil, à condition que des standards AML/CTF partagés soient établis.
Comment se préparer dès aujourd’hui?
Pour les institutions financières:
- Auditer les politiques internes et identifier toute interaction accidentelle avec les crypto‑actifs.
- Mettre en place un dispositif de surveillance en temps réel capable d’identifier les transactions supérieures à 150USD.
- Former les équipes de conformité aux exigences de l’UIAF et du Superintendencia de Sociedades.
- Évaluer des partenariats avec des VASP agréés pour offrir des services indirects aux clients.
Pour les fintech et VASP:
- Intégrer des solutions RegTech pour automatiser la collecte de données KYC et le reporting UIAF.
- Obtenir des certifications AML reconnues pour réduire les risques de sanctions.
- Construire une architecture «non‑custodial» afin d’échapper à la portée directe du SFC.
- Surveiller les évolutions législatives et préparer un dossier de demande de licence dès que le sandbox réouvre.

Questions fréquentes
Les banques colombiennes peuvent‑elles offrir des cartes de paiement liées à un stablecoin?
Non. La SFC interdit toute utilisation de plateformes bancaires pour faciliter des transactions impliquant des crypto‑actifs, y compris les stablecoins. Les seules possibilités passent par des entités non‑bancaires qui détiennent les licences VASP.
Quel est le seuil de déclaration à l’UIAF?
Tout mouvement de crypto‑actif supérieur à 150USD doit être signalé, avec les noms, adresses et identifiants complets de l’expéditeur et du destinataire.
Existe‑t‑il une alternative légale pour les entreprises qui veulent garder leurs crypto‑actifs en Colombie?
Oui. Elles peuvent passer par des custodians ou plateformes non bancaires agréés comme Wenia, ou créer leurs propres entités VASP qui respectent les exigences AML et les rapports UIAF.
Le stablecoin COPW est‑il réglementé?
Le COPW fonctionne sous le cadre du SFC qui exige un reporting complet des mouvements et la conformité aux normes AML, mais il n’est pas encore soumis à une loi spécifique sur les stablecoins.
Quand la Colombie pourrait‑elle lever l’interdiction bancaire?
Aucun calendrier officiel n’est publié, mais les signaux du ministre Bonilla et les pressions du FMI suggèrent qu’une réforme législative pourrait apparaître d’ici 2026‑2027, surtout si le sandbox est réactivé.
Veerle Lindelauf
octobre 5, 2025 AT 09:07Bon article ! La superintendencia a clairement dessiné les limites pour les banques, mais ça laisse un gros vide pour les fintech qui veulent vraiment innover. Les exigences AML/CTF sont lourdes, surtout le reporting à 150 USD. En pratique, les petites structures risquent de se faire boucler les portes. Il faut investir dans la tech RegTech pour pas se retrouver avec des amendes. J’espère que le futur sandbox sera plus souple, même si c’est encore un peu flou.
Jeroen Vantorre
octobre 5, 2025 AT 21:53Franchement, cette régulation montre que la Colombie priorise la souveraineté monétaire avant tout. C’est du jargon bureaucratique qui empêche l’adoption massive des crypto‑actifs, même si le risque de blanchiment existe vraiment.
Mariana Suter
octobre 6, 2025 AT 10:40J’avoue que l’interdiction bancaire crée une sorte d’ombre où les acteurs comme Wenia prospèrent. Les banques sont bloquées, mais les solutions non‑custodiales remplissent le manque. Cela pousse les utilisateurs à se tourner vers des VASP qui offrent plus de flexibilité. Par ailleurs, le coût de conformité pour les petites fintech est un vrai frein. La règle de 150 USD pour le reporting est assez basse et génère beaucoup de travail. On voit pourtant un intérêt croissant pour le stablecoin COPW, même si la régulation est encore floue. En bref, la situation vous donne à réfléchir sur les opportunités de niche.
Denis Kiyanov
octobre 6, 2025 AT 23:27Exactement, Mariana, et ça montre que la créativité trouve toujours son chemin. Les banques peuvent se sentir coincées, mais les fintech exploitent les failles réglementaires. Il faut simplement rester vigilant sur les exigences AML.
Gerard S
octobre 7, 2025 AT 12:13Il est intéressant de noter que la Colombie, tout en refusant le dépôt bancaire de crypto, ouvre la porte à des entités séparées qui respectent les standards de reporting. Cette approche hybride reflète une tension entre souveraineté monétaire et innovation technologique. La philosophie sous‑jacente ressemble à une tentative de garder le contrôle tout en profitant des avantages économiques. Ainsi, le cadre régulatoire pourrait évoluer vers une licence spécifique pour les services crypto, à condition que les standards AML/CTF soient solidement ancrés.
BACHIR EL-KHOURY
octobre 8, 2025 AT 01:00Je suis d’accord avec ce qui a été dit, il faut vraiment que les banques investissent dans la formation du personnel. Sans une vraie compréhension du sujet, les exigences AML seront juste du papier. Les fintech comme Wenia peuvent jouer le rôle de pont, mais elles doivent aussi être vigilantes. En gros, le secteur a besoin d’un vrai partenariat entre régulateurs et acteurs privés.